Portail : États-Unis, la bataille Compass-Zillow secoue le marché immobilier
Le vendredi 26 septembre 2025
Portails
Aux États-Unis, le bras de fer entre Compass, l’un des premiers réseaux d’agences immobilières, et Zillow, le portail de référence pour les acheteurs, prend une tournure symbolique. Derrière les échanges de procédures et de communiqués, c’est l’organisation même du marché qui est en jeu : la capacité des agences à orchestrer la diffusion de leurs annonces face au poids grandissant des plateformes numériques.

Compass VS Zillow
Une règle contestée sur la diffusion des annonces
Depuis 2020, la National Association of Realtors (NAR) impose une règle dite de « Clear Cooperation Policy » : toute annonce rendue publique, sur un site d’agence ou les réseaux sociaux, doit être publiée dans le MLS (Multiple Listing Service, la base de données partagée par les agents) dans un délai d’un jour ouvré. Zillow, qui concentre près de 80 % du trafic immobilier en ligne aux États-Unis, a choisi d’appliquer strictement cette règle, allant jusqu’à menacer de retirer certaines annonces qui ne respecteraient pas ce calendrier.
L’objectif officiel est d’assurer transparence et équité entre acheteurs et vendeurs. « L’immobilier fonctionne mieux à découvert que derrière des portes closes », défend Errol Samuelson, responsable du développement chez Zillow. Mais pour de nombreux courtiers, la mesure revient à réduire leur marge de manœuvre commerciale et à renforcer la dépendance au portail.
Le modèle Compass fragilisé
Compass, fondé en 2012 et valorisé comme un des pionniers de la Protech, a fait de la pré-commercialisation une pierre angulaire de sa stratégie. Ses agents proposent d’abord des annonces en exclusivité à leurs clients, avant une phase de test de prix (« Coming Soon »), puis une diffusion plus large sur le MLS et les portails.
Cette méthode vise à donner un avantage concurrentiel aux agents du réseau et à fidéliser leurs clients. L’application stricte de la règle du MLS – et donc de Zillow – fragilise ce modèle. Robert Reffkin, PDG de Compass, a plusieurs fois dénoncé une forme d’abus de position dominante.
Un enjeu de concurrence et de régulation
Les tensions ne sont pas nouvelles. Depuis 2019, Compass et Zillow se sont affrontés devant les tribunaux, d’abord pour des affaires de débauchage et de secrets commerciaux, puis sur la question de la visibilité des annonces. Si aucune plainte antitrust majeure n’a été déposée récemment, le spectre d’une action en justice ressurgit régulièrement.
Au-delà du cas Compass, d’autres grands réseaux comme Howard Hanna, Douglas Elliman ou Corcoran, recourent également à des programmes d’annonces exclusives. Une généralisation des pratiques imposées par Zillow pourrait remettre en cause ces dispositifs.
Les conséquences possibles
Le litige illustre un débat plus large sur l’équilibre du marché immobilier américain. Faut-il garantir une diffusion immédiate et universelle des annonces, quitte à réduire la liberté commerciale des agences ? Ou préserver la possibilité pour celles-ci de gérer la visibilité de leurs biens, au risque d’une fragmentation de l’information et d’une inégalité d’accès pour les acheteurs ?
Un miroir pour l’Europe
En France, aucun portail n’impose une règle comparable. Mais la concentration de la visibilité sur quelques acteurs (SeLoger, LeBonCoin, Bien ICI ou le Figaro Immo) nourrit des critiques similaires : augmentation des tarifs, dépendance des agences, tensions entre innovation commerciale et pouvoir des plateformes.
La bataille entre Compass et Zillow, au-delà du contentieux américain, met en lumière un enjeu universel : qui contrôle l’accès à l’information immobilière : les agences ou les plateformes ? Et, in fine, au bénéfice de qui ? Vaste question…