Dans ce paysage en recomposition, une certitude s’impose : l’agent immobilier n’est pas condamné à subir la mutation, mais au contraire à en devenir le pivot, à condition d’adapter sa méthode et de redéfinir son rôle.

Le mandat de vente classique, pilier historique de la profession, montre aujourd’hui ses limites. Il repose sur un prix figé, inscrit dès la signature du contrat, qui prive l’agent et son vendeur d’une véritable lecture du marché. En verrouillant artificiellement le processus, il place un plafond de verre au-dessus de la transaction et réduit la capacité à valoriser un bien au maximum de son potentiel. L’agent se retrouve enfermé dans une posture d’exécutant, simple diffuseur d’annonce, au lieu d’endosser pleinement son rôle de stratège de marché.

Les institutionnels, lorsqu’ils arbitrent un actif, ne se fient pas à ce modèle. Ils organisent des appels d’offres encadrés, via des mandats spécifiques, afin que la confrontation des acquéreurs révèle la vérité du marché. Cette logique est parfaitement transposable à la transaction résidentielle. Elle donne au vendeur la possibilité de vendre sans plafond de verre et à l’agent immobilier l’opportunité de retrouver toute sa valeur ajoutée : piloter, conseiller, accompagner et sécuriser.

La hausse des taux, la raréfaction du crédit et la montée de l’incertitude économique ont bouleversé la dynamique transactionnelle. Là où il suffisait hier de publier une annonce pour déclencher une avalanche de visites, l’obtention d’offres sérieuses devient aujourd’hui un exercice complexe. Les vendeurs veulent la garantie de vendre vite, mais sans brader. Les acheteurs exigent d’être rassurés sur la justesse du prix et la sécurité du processus. La prochaine décennie ne laissera plus de place aux approximations. L’agent immobilier qui saura apporter des données claires, des preuves tangibles et un cadre transparent sortira renforcé.

La digitalisation accentue cette mutation. Centralisation des offres, traçabilité des échanges, mise en concurrence encadrée et suivie en temps réel : ces innovations redessinent le métier. Elles ne dévalorisent pas l’agent, elles lui offrent au contraire l’opportunité de se positionner comme un stratège de marché.

L’intelligence artificielle franchit désormais un cap décisif. Dans l’immobilier, ses applications dépasseront largement l’estimation automatisée. L’analyse prédictive des comportements acquéreurs, la qualification instantanée des dossiers, l’automatisation des tâches chronophages comme les reportings, les documents contractuels ou le suivi des échéances vont libérer du temps et recentrer l’agent sur ce qui fait sa vraie valeur : le conseil, la pédagogie et la négociation.

Ce basculement va créer une ligne de fracture entre les professionnels. Ceux qui resteront prisonniers de méthodes héritées du passé verront leur rôle s’éroder. Ceux qui sauront adopter des mandats adaptés, inspirés des pratiques institutionnelles, renforceront leur positionnement et sortiront gagnants de cette transformation.

La transaction immobilière de demain sera plus rapide, parce que mieux structurée, plus juste, parce que dictée par le marché et non par des suppositions, plus transparente, parce que digitale et encadrée. La question n’est pas si cette mutation aura lieu, mais qui saura en tirer parti. L’agent immobilier de demain ne sera pas celui qui promet un prix figé, mais celui qui orchestre la vérité du marché pour vendre vite et au juste prix.

Nous entrons dans une décennie décisive, où les professionnels ont une chance unique : devenir, enfin, les architectes de confiance d’une transaction immobilière réinventée.

Quentin Saint Guilhem est président fondateur de Squarimo